L’excommunication, voie ultime, pour défendre la Fête-Dieu
Lorsque le 25 mai 1261, Alexandre IV meurt à Viterbe, il incombe au collège des huit cardinaux l’élection d’un nouveau pape. Après avoir été docteur de théologie, chanoine de Laon, instigateur de la Fête-Dieu, évêque de Verdun de 1253-1255, patriarche de Jérusalem de 1255 à 1260 et légat en Syrie, Jacques Pantaléon est élu pape le 29 août 1261, connu sous le nom d’Urbain IV. Certains de ses contemporains voient dans cette élévation au trône épiscopal l’accomplissement de la prophétie de saint Malachie, jadis archevêque d’Armagli ou Armach en Irlande (†1148) dans sa devise 21 Jerusalem Camapaniae Urbanus Gallus, trecensium Campania, Patriarcha Hierusalem . Ce pape exerce son ministère sur la Chrétienté jusqu’au crépuscule de sa vie : le 2 octobre 1264 à Pérouse. Grâce à une bulle, rédigée à Orvieto le 9 septembre 1263, il nous est permis d’apprécier les rares éléments de son enfance. Fils du cordonnier Pantaléon, Jacques voit le jour en 1185 dans la paroisse Saint-Jacques sur le finage de la seigneurie urbaine Notre-Dame. Au détour de cette correspondance apostolique, Urbain IV rappelle qu’il est né dans la paroisse Saint-Jacques d’une part, qu’il a été baptisé grâce aux fonts baptismaux de cette même église à Troyes d’autre part. Ainsi, après avoir connu l’illustre juif talmudiste Rachi mais également le prince poète Thibaud IV le Chansonnier et Pierre le Chantre, Troyes voit émerger l’un des siens au plus haut grade apostolique à savoir Jacques Pantaléon alors que le comte Thibaud V règne depuis 1256 et cela jusqu’en 1270. Assez rapidement, un fait majeur va occuper le pontificat d’Urbain IV puisque la tâche débute six mois après son élection, à savoir l’érection d’une nouvelle église à Troyes, lieu de sa naissance, ville déjà richement dotée de paroisses et d’églises. Pour mener à bien son projet, depuis sa résidence de Viterbe, le 20 mai 1262, sa sainteté décide de racheter aux bénédictines de Notre-Dame, la maison de son père afin de construire l’église, placée sous la protection de saint Urbain, dont la fête, le 25 mai, marque le jour où meurt son prédécesseur Alexandre IV et en souvenir d’Urbain II, pape de la première croisade et champenois tout comme Jacques Pantaléon. D’après l’inventaire du trésor de cette église, l’église semble dotée d’une seule relique humaine à ses débuts, celle du bras de saint Urbain. Or sur cet espace urbain troyen, il se trouve que depuis les premiers temps féodaux de multiples seigneuries nobiliaire comme les Pougy et les Villehardouin ou bien ecclésiastiques sont bien présentes, laissant peu d’espace à cette volonté apostolique de sorte que, dès 1262, ce projet apostolique heurte bon nombre d’intérêts dont celui de l’abbaye voisine, Notre-Dame. Il est utile de préciser que l’église abbatiale mariale jouxte l’église baptismale d’Urbain IV à savoir l’église Saint-Jacques. Subtilement, la papauté va octroyer de larges moyens pour l’édification de ce nouvel édifice d’une part, créer un personnel canonial voué à sa desserte d’autre part et surtout constituer une seigneurie urbaine dans cet espace seigneurial avec l’aval du comte de Champagne dans un premier temps. Fort de la Fête-Dieu qu’il a suscité en tant qu’archidiacre de Verdun, il permet au personnel canonial attaché à cette collégiale d’avoir voix au chapitre dans la liturgie stationnale en réinvestissant ce temps fort religieux, permettant de cette manière à ce même chapitre de s’insérer et s’imposer dans cette liturgie vivante déjà existante à Troyes. Alors, appréhender un conflit entre deux communautés religieuses puis apprécier la manière dont la justice va être rendue nécessite d’étudier les conditions de cette création apostolique dans un premier temps, en cernant tous les acteurs religieux et laïcs qui peuvent porter atteinte à cette émanation apostolique. Ensuite, l’analyse du conflit violent qui se développe entre l’abbaye voisine, Notre-Dame, et la collégiale Saint-Urbain, réglé difficilement par la chancellerie de Clément IV, doit permettre de mettre en relief toute la procédure développée. Cette dernière oppose le droit coutumier constitué au fil du temps grâce à des donations et confirmations successives garanties par la papauté et par la chancellerie palatine comtale d’une part, aux bulles pontificales d’Urbain IV et à la procédure romano-canonique toute récente portée par l’évêque du Puy et archevêque de Narbonne, légat apostolique, vite récusé, Richard de Vaulgrenant, d’autre part.
Au cours de cette seconde moitié du XIIIe siècle, les Troyens assistent à une création d’église ex-nihilo, s’insérant dans des seigneuries urbaines déjà existantes, devenant elle-même une puissance seigneuriale originale et la première à notre connaissance, étant donné qu’il s’agit d’une fondation collégiale apostolique.
L’histoire débute en 1262, lorsque que Jean Garsie, chanoine de la collégiale Saint-Étienne, et Thibaud d’Acenay, bourgeois de Troyes, reçoivent le mandat d’Urbain IV d’acheter les maisons et places voisines entre la Grande-Rue et la rue Moyenne afin d’y établir une église dans cette ville où les églises et paroisses sont déjà nombreuses. Pour mener à bien ce dessein apostolique, le trésor pontifical envoie 10 000 marcs sterling pour la construction de l’église et la fondation des prébendes.