Le cartulaire Saint-Etienne, un excellent outil pour l'historien

Le cartulaire de Saint-Etienne

    Parmi les 794 actes du cartulaire de Saint-Étienne, 148 actes concernent le temporel troyen de la collégiale aux XIIe et XIIIe siècles : les personnes et les établissements religieux séculiers y occupent une place essentielle.

    Dans les préambules, l’officialité, avec ses 66 % du volume total des actes des XIIe-XIIIe siècles, occupe une place prépondérante avec 105 actes. Comme nous l’avons déjà précisé, elle garantit les transactions, se substituant à l’autorité comtale dont le volume des chartes est seulement de 11 %. Avec seulement 18 actes qui traitent du temporel urbain et bien que la collégiale soit une émanation comtale, le faible nombre en question s’explique par la qualité de la dotation initiale d’une part, et l’évolution des pratiques coutumières garanties par l’officialité d’autre part.

    L’autorité pontificale apparaît régulièrement, à la requête de la collégiale ou bien du comte, ce qui justifie la présence de 15 actes qui traitent du temporel et ses 9 %.

    Quant à l’autorité régulière et ses 9 %, elle est présente surtout par le biais de l’abbaye de Notre-Dame-aux-Nonnains, qui justifie régulièrement ses droits[1].Dans ce cartulaire les évêques ont peu de place, ce qui explique les 3 % dus essentiellement à l’épiscopat de Robert[2]. Tout comme la noblesse, avec Gui de Chappes et le bailli Oger du Val, qui est peu présente, puisque 1 % de la masse totale seulement la concerne[3].

Lorsque deux entités sociologiques différentes s’entendent pour rédiger un acte au profit de la collégiale Saint-Étienne, nous les retrouvons dans notre classification et leurs faibles pourcentages : autorité régulière et séculière d’une part, et autorité séculière et nobiliaire d’autre part.

Les confirmations sont largement majoritaires avec 56 % des chartes de ce cartulaire pour la période que nous avons choisie, soit quelque 91 actes, portant à chaque fois sur une parcelle urbaine, ou plus. Les privilèges nombreux ont déjà été étudiés, ils représentent 11 % du volume des actes qui concernent le temporel de cet établissement religieux dans la zone exclusivement urbaine. Quant aux 25 donations, elles débutent sous Henri Ier pour s’arrêter sous Thibaud IV, laissant place à de nouveaux contrats, au sein de chancelleries plus aguerries[4]. Les condamnations, règlements de litiges, signalement, règlements de paix occupent une place infime au regard de ce qui est conservé, témoignant de prérogatives seigneuriales jalousement gardées par cette collégiale, dont la richesse patrimoniale urbaine est accumulatrice dès le début du XIIIe siècle. Le mouvement canonial reste encore vivant, approfondissant régulièrement les liens étroits que la collégiale a su tisser avec les différentes autorités. Attardons-nous sur ces confirmations pour observer la nature de cette diversité

    Les actes confirmant une vente, au nombre de 33, représentent la part la plus importante, avec 35 % du total confirmatoire. Comme l’exemple de l’évêque Robert pour l’acte d’Adam de Melete, civis Trecensis et hominis capituli, où il confirme la vente de deux parties d'une maison avec son pourpris située devant la Maison du Saint-Esprit en mai 1226, mais malheureusement le montant ne figure pas[5]. Ensuite, c’est l’officialité qui confirme la vente de maisons, d’étals, de celliers, de cens comme celui du bourgeois et drapier Jacques le Lorgne en 1258, portant sur 34 sous de cens à percevoir sur des domum in Waisia Trecensi super magnum pavimentum, in vico defuncti Foucheri et in vico dicti Truchepot[6]. L’indication ne nous permet pas de reconstituer l’emplacement exact des cellules. Pour cet achat, la collégiale doit débourser 34 livres provinoises.

            Les locations représentent 15 actes contenus dans ce volume lors des XIIe-XIIIe siècles, soit 16 % des confirmations. Elles apparaissent seulement en 1221 et se réalisent sous le sceau de l’officialité au profit de la collégiale. Majoritairement, ce sont les bourgeois que nous retrouvons dans ces confirmations comme ce peaucier Renaud de Pommeroie, pelliparius qui loue 4 deniers tournois un arpent de terre sitam in Clauso juxta terra Milice Templi ex una parte, juxta terra dicti Raynaudi ex altera in justicia eorumdem payables à la saint Remi en 1280[7]. Une fois encore, les maisons, les chambres et les étals occupent une place prépondérante.

            Les confirmations de rentes occupent une moindre place avec seulement 5 actes.  Avec deux actes, l’autorité comtale confirme l’obligation faite aux merciers de Reims, Rouen, Étampes, et Limoges, de payer le tonlieu à la collégiale en 1175[8], mais aussi la rente de 10 livres sur le péage des vins de Troyes rappelée par Thibaud III en 1198[9]. Cela peut être aussi la rente d’un chanoine réalisée de son vivant et valable uniquement de son vivant comme celle de 1214. Un certain Girard, dont nous savons seulement qu’il est chanoine à Troyes, confirme qu’il a donné la rente sur un étal qui rapporte 49 livres de sa censive personnelle quoddam stallum in censu suo[10].

Quant aux confirmations portant sur les créations, elles sont au nombre de 6 pour 6 % du volume des actes de confirmations. Elles concernent les créations de nouveaux autels au sein de la collégiale, essentiellement à la fin du XIIe siècle, et dans une moindre mesure la construction pure de nouveaux moulins avec l’assentiment du chapitre Saint-Pierre dans Troyes, sur leur censive. C’est la raison pour laquelle le chapitre cathédral se trouve mentionné et cela malgré la possession du droit exclusif de l’eau in cursus aque de Jaillart, prope domum defuncti Pineti des Moulins[11]. Les échanges, au nombre de 3, portent uniquement sur des maisons. Des bourgeois permutent leur habitation pour des raisons d’ordre économique. Ces transactions ont toutes un point commun ; elles sont sur la censive de Saint-Étienne. Le cartulaire de Saint-Étienne illustre quelques évolutions visibles à Troyes, mais également dans de nombreuses villes de pays coutumier en cette fin de XIIe siècle et au cours du XIIIe siècle. Indubitablement, nous assistons à une densification du volume des écrits, de la sorte que le contrat écrit se substitue à un contrat oral. Par ailleurs ces statistiques reflètent les moyens mis en oeuvre par les doyens de Saint-Étienne pour accroître le temporel de leur collégiale. Aisément perceptible, nous remarquons l’institutionnalisation de l’officialité comme seule garantie d’une transaction au cours de ces deux siècles.

Ces XIIe et XIIIe siècles voient affluer un volume exponentiel d’actes ayant trait au temporel urbain de cette collégiale Saint-Étienne. En se portant acquéreur quel que soit le lieu de la ville, la collégiale est amenée à en développer le contenu juridique. C’est la raison pour laquelle la chancellerie comtale laisse la rédaction de ces diplômes aux clercs de l’officialité.

 

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[1] Bibl. nat., lat. 17098, f° 187 v°-198 r°.

[2] Ibidem, f° 110 r°-111 v°.

[3] Ibidem, f° 155 r° et 235 v°-236 r°.

[4] Ibidem, f° 342 v°.

[5] Ibidem, f° 110 r°.

[6] Ibidem, f° 242 r°.

[7] Ibidem, f° 228 r°.

[8] Ibidem, f° 35 r°.

[9] Ibidem, f° 343 r°.

[10] Ibidem, f° 156 v°.

[11] Ibidem, f° 274 v°.