La collégiale Saint-Étienne : le sanctuaire des comtes de Champagne au XIIIe siècle.

 

    Avant toute chose signalons qu’il ne reste plus rien de la collégiale Saint-Étienne à Troyes puisque celle-ci disparaît en 1799. Par conséquent l’exposé qui suit se réalise à partir de chartes du XIIe-XIIIe siècle, de plans au sol du XVIe, de registres de fabriques qui attestent dès réfections sur les tombeaux aux XIVe-XVe siècle, de vues semie-aérienne du XVIe, d’inventaire de l’époque révolutionnaire[1].

    Peu d’historiens se sont intéressés à cette émanation comtale. La première approche historique remonte au début du XXe siècle : dans le cadre de sa thèse de l’École des Chartes, Octave Beuve réalise un dépouillement et une considérable analyse des actes de cette institution religieuse. Le second, plus récemment Xavier Dectot, dans le cadre de sa thèse d’École des Chartes, s’intéresse à la collégiale en tant que bâtiment[2].

    Parmi les grands donateurs et bâtisseurs de la Champagne, nous retrouvons le comte Henri Ier, « justifiant ainsi ce surnom de Libéral que lui donnaient ses contemporains »[3]. En effet, l’époux de Marie de France, fille de Louis VII le Jeune et ami de Bernard de Clairvaux, réalise ce que bon nombre de grands princes du royaume de France accomplissent dans leur circonscription ducale ou comtale. Il dote de ses biens propres treize abbayes cisterciennes et quatorze abbayes bénédictines[4].

    Comme le clergé régulier, le clergé séculier bénéficie de ces subsides : il est également favorisé par l’autorité comtale dans les villes où son pouvoir s’exerce. En témoigne la fondation de six collégiales : en 1154 celle de Saint-Nicolas de Pougy, en 1157 celle de Saint-Quiriace de Provins, mais aussi Notre-Dame-du-Château de Provins[5], tout comme celle qui fait l'objet de notre étude, Saint-Étienne, puis en 1159 celle de Saint-Maclou de Bar-sur-Aube ; enfin ce mouvement de fondation s'achève en 1164 par celle de Saint-Nicolas à Sézanne.

    Comtale à ses origines, la collégiale Saint-Étienne devient royale à la fin du XIIIe siècle. En effet, lorsque Jeanne de Navarre, héritière du comté de Champagne, se marie à Philippe le Bel le16 août 1284, elle ancre davantage la Champagne dans le royaume de France, incluant le domaine corporel dont elle a la jouissance, malgré la vive opposition nobiliaire qui se manifeste lors de son procès en tourbe la même année[6].

    Les raisons qui poussent à la fondation de structures religieuses seigneuriales castrales sont multiples. En Anjou, les bourgs castraux fortifiés se dotent de chapelles desservies par des communautés canoniales séculières depuis le Xe jusqu’au XIIIe siècle[7]. Troyes n’échappe pas à ce mouvement. À la fin de cet âge féodal, il est nécessaire de renouveler une bonne partie du monde clérical : cet élan bâtisseur participe à cette re-fondation spirituelle. Autre facteur, celui qui conduit un homme, par la dimension politique qu’il s’attribue, à dynamiser un espace comtal, en mettant en réseau les richesses produites sur son comté. Or, seuls les clercs sont capables de gérer ces richesses.

La collégiale, placée sous la protection de saint Étienne, est construite à l’extérieur du castrum romain dès 1157 ; elle est attenante au palais comtal, et semble achevée en 1181 (date du décès d’Henri Ier) avec certitude en 1188 date de l’incendie qui ravagea une bonne partie de Troyes, y compris la collégiale dont Aubry des Trois Fontaines s’en fait l’écho[8].

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[1] Arch. dép. Aube, 6 G 387*, compte de l’office de la fabrique et des anniversaires de Saint-Étienne, 1380-1381, f° 3v : « L’orfèvre Pierrede la Rothière refit la statue de saint Étienne et celle d’une reine pour le tombeau de Thibaut III

[2] Médiathèque de Troyes, ms. 3143, thèse manuscrite d’O., Beuve, Histoire de l'Église collégiale de Saint-Étienne de Troyes (1157-fin XVIe), Thèse de l'École des Chartes, 1906.

[3]Arbois de Jubainville, H., d’, op. cit., Paris, 1841, t. III, p.177.

[4]Ibidem, p. 172-177.

[5] Veissière, M., Une Communauté canoniale au Moyen Age, Saint-Quiriace de Provins (Xe-XIIIe siècles), Provins, 1961,

[6] Bibl. nat., lat. 5188, f° 2 v°-3v°.

[7] Zadora-Rio, E., « Construction de châteaux et fondation de paroisses en Anjou Xe-XIIIe siècles », dans Archéologie Médiévale, t. 9, 1979, p. 115-125.

- Zadora-Rio, E., « Bourgs castraux et bourgs ruraux en Anjou aux XIe-XIIIe siècles » dans Châteaux et peuplement en Europe Occidentale du Xe au XVIIIe siècle, Flaran 1, Auch, 1979-1980, p. 173-179.

[8] Avril, J., « Eglises paroissiales et chapelles de châteaux aux XIe-XIIIe siècles », op. cit., p. 123. En érigeant à l’intérieur du château ou à proximité de ce château une chapelle, elle devient un véritable lieu de culte selon le père Avril, comme celle de Vateville dans le diocèse de Rouen.